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Raymond Gleize,
Division des Études Locomotives SNCF

SNCF - Division des Etudes Locomotives  (D.E.L.)

Locomotives 240 P 1 à 25, souvenirs Raymond Gleize

J'ai roulé avec toutes les 240 P lorsqu'elles étaient à Laroche-Migennes pour éduquer les mécaniciens et particulièrement les chauffeurs qui utilisaient pour la première fois la chauffe au stocker.
La 240 P était un engin merveilleux.

240 P 1 en 1941Premiers tours de roues de la 240 P 1 au dépôt de Laroche-Migennes.
Mécanicien LACOMBE, chauffeur JARRY. 1941

Ces locomotives provenaient d'une modification des locomotives 4500 PO effectuée aux ateliers de Tours St Pierre des Corps sous la direction de Monsieur André CHAPELON, alors Ingénieur en Chef à la Division des Études de Locomotives (D.E.L.) à laquelle j'appartenais. Elles ont été primitivement affectées au dépôt de Laroche-Migennes (sud est) pour franchir le seuil de Bourgogne.
C'était des locomotives particulièrement puissantes, dotées d'une excellente chaudière, elles étaient économiques ; c'était des compound limitées à 120 km/h avec un mouvement HP peut être un peu fragile.

Lors d'essais entre Marseille et Nice en 1942 avec la 240 P 15, le mécanicien ROBERT (qui est devenu notre mécano d'essais et a sorti la 242 A1 de l'usine de Saint Chamond.), le chauffeur GRILLON et moi même étions accompagnés par monsieur BELOUARD, contrôleur traction à Marseille, car aucun de nous ne connaissait la ligne.

240 P 15Si ce dernier connaissait bien la ligne, il ignorait totalement la puissance des 240 P.
Ainsi, nous arrivions au sommet de la rampe de 0.8 % après Aubagne à près de 95 km/h alors que les mountain habituelles(les 241 A) la franchissait à 50 km/h environ. A l'entrée du tunnel du Mussuguet qui est en pente de 5 nous étions à 105 km/h. BELOUARD complètement affolé s'est mis à hurler à l'adresse du mécanicien « Serre, serre ! », tant est si bien que ce dernier a fait un freinage d'urgence qui nous a fait planter avant la gare. Il a fallu desserer et repartir pour mettre le train à quai.
BELOUARD, avec toute son exubérance méridionale, retirait son béret qu'il jetait sur la plate forme, qu'il remettait, rejetait, en criant avec l'accent « je n'ai jamais vu une machine pareille ! ».

241 P 15 : diagramme d'essaiExtrait de «L'oeuvre d'André Chapelon à la SNCF», de Maurice Maillet (Editions du Cabri).

Je suis intimement persuadé de reconnaître la calligraphie de mon Père...

La reconnaissance de la ligne évoquée ci-dessus a du se dérouler quelques jours avant.

Ces machines me font souvenir d'un fait qui mérite peut-être d'être conté.

Monsieur CHAPELON m'avait envoyé au dépôt de Vénissieux surveiller et contrôler des travaux sur la locomotive 241 E 27 qu'il faisait modifier.
J'étais parti un soir de Paris vers 21/22 h et à cette époque, les trains étaient complets pour ne pas dire bourrés ! J'étais monté dans le fourgon au départ de Paris et me suis mis en bleus de travail pour monter sur la machine de relais à Laroche, étant à peu près certain de trouver une 240 P avec une équipe de connaissance.
C'est bien ce qui s'est passé. C'était la 240 P 1, mécanicien L....., chauffeur M..... dit le « vieux blanc » en raison de sa chevelure argentée. Je connaissais bien cette équipe ayant roulé plusieurs fois avec elle.

240 P 4 Ayant serré la main de l'équipe, j'ai fait part de mon intention de les accompagner jusqu'à Lyon. A cette époque, le trains mettaient 5 heures de Laroche à Lyon. On passait la ligne de démarcation à Chalon sur Saône où il y avait le contrôle du train, machine comprise, par les autorités allemandes, puis arrêt à Tournus où un nouveau contrôle par les autorités françaises avait lieu, ce dernier était évidemment beaucoup plus souple, surtout pour les tractionnaires.
Le mécanicien L...... insistait pour que je reste dans le fourgon, me faisant ressortir que pour une route de nuit, je serai mieux, etc, etc... Il a presque fallu que je me fâche pour imposer ma présence.

Nous démarrons de Laroche et après quelques kilomètres, le mécanicien m'explique qu'il avait sa nièce avec son mari sur la machine, et qu'il avait prévu de leur faire franchir la ligne de démarcation.

240 P 3Il m'a supplié d'être discret, me demandant si j'acceptais qu'ils viennent sur la plate-forme, je ne pouvais refuser évidemment, et alors que je surveillais les signaux, il a sorti, aidé de son chauffeur, un couple vêtu de bleus de chauffe qu'ils ont extrait d'une cache aménagée dans la soute à briquettes, située sur le côté droit du tender 34P. Les briquettes étaient empilées de telle sorte qu'elles aménageaient une petite niche au centre, quelques planches avec des briquettes dessus formaient le plafond. C'était réellement rudimentaire, on ne pouvait ni s'asseoir, ni rester debout : il fallait s'accroupir. et à deux !
A leur profil, j'ai compris immédiatement qu'ils n'avaient pas été baptisés à la Madeleine, et que la femme n'était nullement la nièce du mécanicien...

Par la suite, son mari est resté dans sa cachette jusqu'à Lyon. La femme restait sur la plate-forme entre les gares d'arrêts : Dijon, Chagny, Chalon sur Saône : 1 heure d'arrêt pour le contrôle du train, Tournus (première gare en zone libre), Mâcon, Villefranche sur Saône et Lyon Perrache.
Je n'étais pas tellement rassuré, étant prisonnier de guerre en congé de captivité au titre SNCF, si le pot aux roses était découvert j'étais bon pour l'Allemagne. J'aurais pu descendre à Dijon pour monter dans le fourgon mais je n'ai pas voulu me dégonfler devant l'équipe qui risquait autant.

A Chalon sur Saône, après avoir complété le tender en eau, l'équipe et moi sommes descendus sur le quai au pied de la machine où nous avons cassé la croûte. Les militaires allemands et les "banofs" (cheminots allemands) sont montés sur la machine qu'ils ont inspecté rapidement puis après nous avoir demandé nos papiers, ils ont rejoint les sentinelles placées de part et d'autre du train en nous quittant sur leur inévitable « Krieg gross malheur ! ».
Ouf ! Je craignais que les clandestins éternuent ou toussent.

Nous sommes arrivés à Perrache, puis rentrés au dépôt de la Mouche sans histoire.
Lorsque le mari s'est extrait de la soute à briquettes, après cinq heures, j'ai cru qu'il ne pourrait jamais se déplier !
Le couple a gagné la sortie du dépôt accompagné par l'équipe.
J'ai revu par la suite maintes fois ces derniers, même après la guerre. Jamais nous n'avons parlé de cette affaire.

A partir de 1932, André CHAPELON poursuit ses travaux en faisant transformer douze Pacific PO 4500 en 240 (PO 4700) aux ateliers de Tours.

A la demande de l'ex PLM, une nouvelle campagne d'essais fut réalisé sur la ligne Paris-Lyon à partir de juin 1938 avec la locomotive PO 4705 devenue la 240.705.
C'est à la suite de ces essais que la SNCF décida de réaliser à partir des anciennes Pacific PO 4500 des locomotives aptes à la grande vitesse (120 km/h) et pouvant remorquer des trains lourds sur la ligne impériale entre Paris et Lyon.
Cette série de 25 machines ne s'est pas limitée à reproduire les déjà excellentes améliorations de la série 4700, élaborées en 1931. André CHAPELON mit en place entre autres un stocker (chargeur de charbon par une vis sans fin), des boites d'essieux moteurs à roulements à rouleaux. Le châssis (datant de 1910) fut renforcé.
Il fit également appel à l'artiste ferroviaire E.A. SCHAEFFER pour améliorer l'esthétique : les roues se retrouvèrent totalement dégagée avec un tablier surélevé, et une partie des tuyauteries fut camouflée derrière les tôles enveloppant la chaudière (au grand dam de l'entretien de Laroche, du moins au début...).
Les travaux ont été effectués aux ateliers PO de Tours. La première locomotive est sortie en mai 1940, la dernière en octobre 1941.

NB : Ce texte est issu de notes de mon Père Raymond GleizeLes ajouts sont en italique.

Locomotive 4530 PO 4530 PO (1907)
Locomotive 4707 PO 4707 PO (1932)
Locomotive 240 P 3240 P 3 (1940)

 

4500 PO 4700 PO 240 P SNCF
Date de sortie 1907 - 1909 1932 - 1934 1940 - 1941
Puissance 2100 ch 4000 ch 4000 ch
Vitesse limite 100 km/h ? 120 km/h
Masse totale en ordre de marche 91,000 t 107,280 t 114,650 t
Poids adhérent 52,305 t 75,480 t 80,400 t
Poids par essieu moteur 17,435 t 18,870 t 20,100 t
Diamètre roues motrices 1,850 m 1,850 m 1,850 m
Longueur, machine seule 13,405 m 12,930 m 13,595 m
Longueur avec tender 20,735 m 20,315 m 23,550 m
(34 P)
Rayon minimal d'inscription en courbe 115 m
Timbre chaudière 16 hpz 20 bars 20 bars
Surface de la grille 4,27 m² 3,76 m² 3,72 m²
Longueur de la grille 3,81 m 3,74 m
Surface de chauffe 257,25 m² 215,20 m² 212,77 m²
Surface de surchauffe néant   60,60 m²   68,08 m²
4 Cylindres 2 HP externes
2 BP internes
2 HP externes
2 BP internes
2 HP externes
2 BP internes
Échappement droit, à double valve  Kylchap 1K/1C Kylchap double fixe
la 4546  est à la Cité du Train à Mulhouse. stocker

Histoire de mon Père Raymond Gleize la SNCF avec André Chapelon de 1937 à 1953.
Participation aux essais de locomotives à vapeur : photos et souvenirs.


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